Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/227

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cabaret, et l’épicier ambitieux qui dirigeait la politique du quartier. L’opinion générale, à Dunstable, était que la Marine eût été un véritable enfer sans le prêtre ; non pas que ce fût avec lui précisément le paradis ; mais Don Egidio reflétait dans sa personne le peu de ciel bleu visible à travers la fumée des usines. On n’exerce pas une telle influence sans en jouir, et, somme toute, le prêtre était probablement un homme satisfait ; mais il ne s’ensuit pas que ce fût un homme heureux. Ce point demeura obscur pour moi dans les débuts. À première vue, Don Egidio semblait la bonhomie même. Son extérieur indiquait l’absence de tout souci. Il marchait avec lenteur et en se dandinant, il avait le rire prompt, et ce regard amical dont la sympathie est toujours en éveil. Il me fallut longtemps pour découvrir sous sa parole facile la réticence inhérente à sa profession, et sous cette gaieté presque enfantine un fonds de mélancolie cachée. L’aspect et la conversation de Don Egidio étaient si loin d’évoquer l’idée des moindres complexités psychologiques que j’attribuais cette tristesse à sa pauvreté ou au mal du pays. Il n’y a pas d’homme plus frugal dans ses goûts et ses habitudes que le prêtre de campagne en Italie ; mais je savais que Don Egidio avait connu, à un âge où les impressions sont