Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/262

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Milan pour se retirer à Vérone, et Radetsky continuait à lancer ses hommes à travers les Alpes, jusqu’à ce qu’il y en eût cent mille massés entre le Piave et le Ticino. Et maintenant tous les yeux étaient tournés vers Turin. Ah ! comme nous guettions sur les montagnes l’étendard bleu du Piémont ! Charles-Albert nous paraissait acquis ; tout son peuple était armé pour nous sauver, les rues retentissaient du cri : « Avanti, Savoia ! » Cependant la Savoie demeurait silencieuse et hésitante. La tension des nerfs était telle que chaque jour rempli d’espoirs et de désappointements semblait long comme un siècle. Nous comptions les heures par les nouvelles qu’elles apportaient, et à chaque minute il se produisait une autre alerte.

Puis, tout à coup, on apprit que Vienne s’était soulevé. C’était au Nord que le soleil de la liberté luisait pour nous. Je n’oublierai jamais ce jour-là. Roberto me fit appeler de bonne heure et je le trouvai souriant et résolu comme un soldat à la veille du combat. Il avait fait tous ses préparatifs pour quitter Milan, et attendait une convocation. Chacun dans la maison sentait qu’on était à la veille d’un grand événement, et Donna Marianna, émue et agitée, avait demandé à son frère que tous ensemble s’agenouillassent à la table sainte le lendemain.