Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/292

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— Non, non, je me rappellerai. Je ne dirai rien.

— Vous ne penserez rien ?

— Je ne penserai rien, ajoutai-je en faisant un dernier effort.

— Dieu vous bénisse ! répondit-il.

Mon fils, pendant huit ans j’ai tenu parole. Nous nous vîmes tous les jours, nous mangeâmes, nous marchâmes, nous causâmes ensemble, nous vécûmes comme David et Jonathan, mais sans même jeter un coup d’oeil sur le passé.

Comment s’était-il échappé de Milan ? Comment avait-il atteint New-York ? Je ne le sus jamais. En vrais Italiens, nous parlâmes souvent de la libération de l’Italie, mais jamais de la part qu’il avait pu prendre à cette œuvre. Une seule fois, il lui échappa une question : il me demanda pourquoi j’avais été envoyé en Amérique. Le sang me monta au visage et avant que j’aie eu le temps de répondre, il me fit signe de me taire.

— Je vois, dit-il, c’était l’expiation.

Pendant les premières années, il avait beaucoup à faire ; je devinai vite la frugalité de sa vie, à quoi il employait le fruit de son travail. Dans toutes les parties du monde, les exilés italiens mettaient de l’argent de côté pour la