Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/346

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crète pleine de pitié pour mes souffrances, qui les pansait avec des mains silencieuses.

Dès l’abord, elle m’apparut comme une complice, me promettant à voix basse le secret en échange de mon amour. Et j’y retournai, mon père, et j’y retournai. Chaque jour je vivais dans cette seule pensée ; chaque nuit j’y retournais avec une soif nouvelle…

Mais, à la fin, la vieille tourière mourut, et une jeune sœur converse prit sa place. Elle avait le sommeil léger, et l’oreille fine. Je savais quel danger je courais en allant jusqu’à sa cellule. Je connaissais le danger, mais quand tombait la nuit, je sentais l’eau m’attirer. La première nuit, je tins bon. La seconde nuit, je gagnai la porte de la tourière. Elle ne fit pas un mouvement lorsque j’entrai, mais se leva sans bruit et s’attacha à mes pas. La nuit suivante, elle avertit l’abbesse, et toutes deux me surprirent au bord du bassin.

Je fus châtiée de terrible manière : jeûnes, discipline, cachot, défense de boire ; car l’abbesse demeurait stupéfaite de mon endurcissement dans le péché, et était décidée à faire un exemple. Durant un mois, je souffris les tourments de l’enfer ; lorsqu’une nuit, les corsaires sarrasins envahirent notre moutier. Soudain, les ténèbres s’emplirent de feu et de sang. Mais,