Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ombre de la nuit inconsciente. Près du foyer familial, dans cette pièce où tout rappelait l’ordre et le devoir, la jeune fille lui paraissait plus lointaine et plus inaccessible.

Pour rompre cette gêne, il dit :

— Ils se marieront bientôt, sans doute.

— Oui, je ne serais pas étonnée que le mariage eût lieu aux premiers jours de l’été.

Elle prononça ce mot de « mariage » avec une inflexion si tendre que son accent évoqua la vision d’un bosquet frissonnant qui conduit à une clairière enchantée.

Ethan en éprouva une sourde douleur. Reculant sa chaise il lui dit :

— Ce serait bientôt votre tour que je n’en serais pas autrement surpris.

Elle rit, un peu gênée.

— Pourquoi répétez-vous toujours cela ?

Il rit à son tour.

— Peut-être pour me faire à l’idée.

Il se rapprocha de nouveau de la table. Mattie s’était remise à coudre en silence, les paupières baissées. Ethan la regardait, perdu dans la contemplation de ses mains, qui allaient et venaient au-dessus du lai d’étoffe comme deux oiseaux voltigeant au-dessus du nid qu’ils construisent. Au bout d’un