Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/106

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retour à la conscience après l’absorption d’un anesthésique. Son corps et son cerveau étaient écrasés sous le poids d’une indicible tristesse. Il ne trouvait rien à dire ni à faire qui pût arrêter la fuite folle des instants.

L’altération de son humeur semblait s’être communiquée à Mattie. Elle leva sur lui des yeux voilés ; on eût dit que le sommeil alourdissait ses paupières et qu’il lui en coûtât de les soulever. Puis elle posa son regard sur la main de Frome, qui s’était emparé du bout d’étoffe et l’étreignait comme s’il eût été un peu d’elle-même.

Il vit un tremblement à peine perceptible contracter le visage de Mattie, et sans savoir ce qu’il faisait, il baissa la tête et appuya ses lèvres sur l’étoffe. Tandis que sa bouche s’y attardait, il sentit que la jeune fille retirait le drap tout doucement. Puis, il vit qu’elle se levait et commençait à replier son ouvrage. Elle l’attacha avec une épingle, et, ramassant son dé et ses ciseaux, elle remit le tout dans la boîte en carton peint qu’il lui avait rapportée un jour de Bettsbridge.

À son tour, Ethan se leva. Son regard fit machinalement le tour de la pièce. La pendule suspendue au mur sonna onze heures.

— N’oubliez pas de couvrir le feu, lui dit Mattie à voix basse.