Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/108

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VI


Le lendemain matin, Jotham Powell assistait en tiers à leur petit déjeuner et Ethan s’efforça de dissimuler sa joie sous un air d’indifférence exagéré. Il se renversait sur sa chaise pour lancer quelques miettes au chat, grommelait à propos du temps, et n’offrit pas même à Mattie, lorsqu’elle se leva, de l’aider à débarrasser la table.

Il ne savait pas pourquoi il éprouvait cette joie irraisonnée. Rien en effet n’était changé dans son existence ni dans celle de la jeune fille. Il n’avait pas même effleuré le bout de ses doigts ; c’est à peine s’il avait osé la regarder en face. Mais la soirée qu’il avait passée avec elle lui avait fait comprendre ce que serait la vie s’il pouvait la vivre en sa compagnie, et il était heureux de n’avoir rien fait pour troubler cette vision exquise. Il croyait qu’elle avait deviné les raisons de la contrainte qu’il s’était imposée et qu’elle lui en savait gré.

Il restait à livrer un dernier chargement de bois,