Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fauteuil et il ne trouva rien de mieux à ajouter que :

— Vous êtes sans doute fatiguée du voyage ?

Tournant la tête de son côté, elle lui répondit d’une voix solennelle :

— Je suis beaucoup plus malade que vous ne le pensez…

Les paroles de Zeena l’emplirent d’un étrange pressentiment. Que de fois déjà il les lui avait entendu prononcer ! Si aujourd’hui elles étaient vraies ?

Il avança d’un pas ou deux dans la pièce obscure et reprit :

— J’espère que non, Zeena.

Elle continuait à le regarder à travers le crépuscule, avec l’air pénétré d’une personne qui aurait conscience d’être marquée pour de grands destins :

— J’ai des complications, déclara-t-elle.

Ethan savait tout ce qu’impliquait ce mot. La plupart des gens du pays avaient des « troubles », nettement localisés et définis ; seuls les élus avaient des « complications ». Le fait d’en être atteint communiquait une sorte de supériorité morale, bien que ce fût aussi, dans la plupart des cas, une certitude de mort prochaine. On luttait pendant des années avec des « troubles » ; mais on succombait presque toujours à des « complications ».