Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/187

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La voix geignarde cessa lorsque j’entrai dans la cuisine des Frome, et, des deux femmes qui y étaient assises, je ne pus deviner laquelle avait parlé.

L’une d’elles, à ma vue, dressa sa haute taille osseuse. Ce n’était pas pour m’accueillir, car elle ne me lança qu’un rapide regard d’étonnement, mais pour préparer le repas qu’avait retardé l’absence prolongée de Frome. Un peignoir d’indienne fripé pendait de ses épaules ; de rares cheveux gris, tirés en arrière et maintenus par un peigne édenté, découvraient un front étroit et allongé. Ses yeux pâles et opaques ne révélaient rien et ne reflétaient rien, et ses lèvres minces étaient de la même teinte jaunâtre que sa figure.

L’autre femme était plus petite et plus frêle. Elle se tenait toute recroquevillée dans son fauteuil près du poêle. À mon entrée elle tourna vivement la tête de mon côté, mais son corps demeura immobile. Ses cheveux étaient aussi gris que ceux de sa compagne et sa figure aussi exsangue et aussi ridée. Mais sa pâleur avait une nuance d’ambre, et des ombres bistrées creusaient ses tempes et accentuaient la minceur de ses narines. Sous sa robe informe, elle gardait une immobilité flasque, et ses yeux sombres avaient l’éclat maléfique particulier à ceux qui sont atteints d’une maladie de la moelle épinière.