Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/26

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Vous avez dit que vous aviez à faire à l’usine cet après-midi ; je vous y mène.

Ce fut dit avec tant de tranquillité que je ne pus que répondre :

— Vous me rendez le plus grand service.

— Bah ! ce n’est rien…

En face de l’école la route bifurquait. Nous prîmes à gauche un chemin qui descendait au milieu des sapins du Canada. Il avait neigé si fort que les branches, courbées sous leur fardeau blanc, faisaient corps avec le tronc des arbres. J’étais souvent venu me promener de ce côté, le dimanche, et je savais que le toit solitaire qu’on apercevait entre les fûts dénudés, presque au bas de la colline, était celui de la scierie de Frome. La vieille bâtisse semblait agoniser. Sa roue immobile se dressait au-dessus de l’eau noire qui bouillonnait alentour en remous jaunâtres. Sous le poids de la neige, ses hangars fléchissaient.

Frome n’y jeta même pas un coup d’œil. Toujours en silence nous commençâmes à gravir la côte suivante, et le traîneau s’engagea dans une route qui m’était inconnue. Un peu plus loin nous rencontrâmes un champ de pommiers grêles. Les arbres se tordaient à mi-pente de la colline, sur un terrain rocheux où des crêtes d’ardoise perçaient la neige par endroits. Au delà de ce verger s’étendaient des champs qui confon-