Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/52

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le hangar le cutter[1] du vieux qui nous attend.

Frome était exaspéré par ce ton goguenard ; mais la voix de la jeune fille répondit, incrédule et gaie :

— Et que vient faire ici le cutter de votre père ?

— Mais, il nous attend pour faire un tour. J’ai sorti le poulain rouan. Je me doutais bien que nous allions nous promener ce soir, fit Eady, essayant de mettre une note sentimentale dans sa voix de jeune coq.

Mattie semblait balancer. Frome vit qu’elle roulait le bout de son écharpe autour de ses doigts. Pour rien au monde il n’eût bougé, mais il sentait toute son existence suspendue au prochain geste de la jeune fille.

— Attendez une minute : je vais détacher le poulain, lui cria Denis, se dirigeant vers le hangar.

Elle demeura immobile, le regardant s’éloigner dans une attitude d’attente tranquille. Frome, dans sa cachette, en souffrait profondément. Il remarqua que pas une seule fois elle ne tournait la tête pour découvrir dans la nuit noire une autre silhouette. Elle laissa Denis Eady sortir le cheval, monter sur le traîneau et relever la peau d’ours pour lui faire place. Puis, brusquement, elle fit volte-face et courut vers

  1. Petit traîneau léger à deux places.