Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/61

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Il se complut à cette vision tandis qu’ils montaient vers la maison. Jamais il ne se sentait aussi près de Mattie que lorsqu’il s’abandonnait à ces rêves. Au milieu de la pente elle buta contre un obstacle invisible, et se retint au bras d’Ethan pour rétablir son équilibre. La chaleur qui pénétra le jeune homme lui sembla comme le prolongement de son rêve. Pour la première fois, il mit son bras autour de la taille de la jeune fille, et elle ne se déroba point. Ils continuèrent leur route comme s’ils flottaient, un jour d’été, à la surface d’un fleuve paisible.

Zeena avait l’habitude de se coucher aussitôt après le repas du soir. Les fenêtres de la maison, sans auvents, étaient sombres. Au-dessus de la porte les tiges mortes d’une clématite pendaient comme l’écharpe de crêpe nouée au loquet pour annoncer une mort[1], et cette pensée : « Si c’était pour Zeena… » traversa l’esprit d’Ethan. Puis il se représenta distinctement sa femme, qui reposait endormie dans leur lit, la bouche un peu ouverte, son râtelier baignant dans un verre d’eau sur la table de nuit.

Ils firent le tour par derrière la maison, entre les groseilliers raidis par le froid, et gagnèrent la porte de la cuisine : Zeena avait l’habitude, lorsque son

  1. Coutume américaine.