Page:Wharton - Sous la neige, 1923.djvu/96

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— Oh ! Ethan, qu’allez-vous en faire ?

Sans répondre, il rassembla les fragments dans sa large main et s’en fut vers l’antichambre. Il alluma un bout de chandelle, ouvrit l’armoire et, tendant son bras jusqu’à la dernière planche, y plaça les morceaux, en ayant soin de les disposer de telle façon qu’il fût impossible de voir d’en bas que le plat était brisé. S’il recollait les débris dès le lendemain matin, des mois pourraient s’écouler avant que sa femme s’aperçût de l’accident ; et d’ici là, du reste, il trouverait peut-être à remplacer le plat.

Convaincu que tout danger prochain était écarté, il rentra dans la cuisine d’un pas plus léger. Mattie, inconsolable, recueillait les restes des pickles épars sur le plancher.

— Allons, Mattie, finissons de souper ; tout est arrangé, dit-il.

Rassurée, elle lui jeta un regard souriant à travers ses longs cils encore humides. Le cœur de Frome battait d’orgueil à la voir si soumise à sa parole. Elle ne lui demandait même pas ce qu’il avait fait…

Jamais, sauf lorsqu’il dirigeait la descente d’un grand tronc d’arbre du haut de la montagne, il n’avait éprouvé aussi pleinement la sensation d’être le maître…