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CHAPITRE IV.

nécessaire (c’était un couloir naturel pour les avalanches de pierres), je me décidai au retour ; je descendis à l’aide de mon guide, et nous revînmes au Breuil vers midi.

Les Carrels ne se montrèrent pas. À en croire les autres guides, ils n’étaient pas montés très-haut[1], et le « camarade » qui, pour être plus à l’aise, avait ôté ses souliers et les avait attachés autour de sa ceinture, en avait laissé glisser un ; il avait dû redescendre avec un morceau de corde tourné autour de son pied nu. Malgré cela, il avait résolûment glissé par le couloir du Lion, J. J. Carrel ayant attaché son mouchoir autour de son pied déchaussé.

Le Cervin ne fut pas attaqué de nouveau en 1861, et je quittai le Breuil convaincu qu’un touriste avait grand tort d’en tenter seul l’escalade, si grande était l’influence qu’il exerçait sur l’esprit des guides. Dans mon opinion bien arrêtée, il fallait être au moins deux, afin de se seconder mutuellement quand les circonstances l’exigeraient. Je passai avec mon guide[2] le col Saint-Théodule, plus désireux que jamais de faire l’ascension du Cervin, et déterminé à revenir avec un compagnon, s’il était possible, pour l’assiéger jusqu’à ce que l’un de nous deux fût vaincu.

  1. J’ai appris plus tard de Jean-Antoine Carrel qu’ils atteignirent une hauteur beaucoup plus considérable que dans leurs tentatives précédentes, c’est-à-dire, qu’ils montèrent à 75 ou 90 mètres plus haut que M. Tyndall, en 1860. En 1862, je vis les initiales de J. A. Carrel, gravées sur le roc à la place d’où il avait été forcé de redescendre avec son camarade.
  2. Cet homme, plein de bonne volonté, savait se rendre utile dans des conditions moins difficiles, car il m’accompagna spontanément à une distance considérable en s’écartant de son chemin, sans vouloir accepter ni salaire ni récompense.