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ESCALADES DANS LES ALPES.

par un précipice qui nous avait été caché jusqu’à ce moment. Son versant méridional était presque perpendiculaire ; il n’avait toutefois que 7 ou 8 mètres de profondeur. Carrel m’y descendit avec la corde, puis il descendit lui-même à l’aide de ma hache, sur mes épaules, avec une adresse qui était aussi éloignée de ma gaucherie que ses propres efforts l’étaient de la légèreté des chamois. Quelques degrés, faciles à escalader, nous conduisirent alors au point culminant. Jamais aucun être humain n’y était monté ; aussi élevâmes-nous, en souvenir de cet événement mémorable, un énorme cairn, qui se voyait à plusieurs kilomètres de distance et qui eût duré bien des années si le chanoine Carrel ne l’eût fait jeter par terre parce qu’il gênait une chambre obscure qu’il avait installée en 1868 sur le sommet inférieur, afin d’en photographier le panorama. Suivant ce célèbre montagnard, le sommet du Grand Tournalin est à 1821 mètres au-dessus du village de Val Tournanche, et à 3400 mètres au-dessus au niveau de la mer. Y compris les haltes, l’ascension ne nous prit que quatre heures.

Je recommande l’ascension du Grand Tournalin à tous les touristes qui auraient une journée à dépenser dans le Val Tournanche. Qu’on ne l’oublie pas cependant (si l’on fait cette ascension pour la vue), les Alpes Pennines méridionales sont rarement libres de nuages dans l’après-midi, et très-souvent elles sont enveloppées de vapeurs dès dix ou onze heures du matin. Vers le coucher du soleil, l’atmosphère retrouve son équilibre et les nuages disparaissent très-généralement.

Je conseille l’ascension de cette montagne non pour sa hau-