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CHAPITRE VI.

de mes guides et la bienveillance des paysans avaient rendue très-agréable. Mais, il faut d’abord l’admettre, les habitants du Val Tournanche sont très-arriérés. Leurs chemins restent en aussi mauvais état (peut-être même se sont-ils encore détériorés) que du temps de de Saussure, et leurs auberges sont bien inférieures à celles du versant suisse des Alpes. S’il en était autrement, leur vallée deviendrait à coup sûr une des vallées les plus populaires et les plus fréquentées des Alpes ; mais, telle qu’elle est, à peine les touristes y sont-ils entrés qu’ils ne pensent qu’à en sortir ; aussi est-elle beaucoup moins connue qu’elle ne mérite de l’être pour ses beautés naturelles.

Dans mon opinion, le plus grand obstacle qui existe à l’amélioration des chemins dans les vallées italiennes, est surtout l’idée généralement répandue que les aubergistes seuls profiteraient de ce progrès. Cette idée est juste jusqu’à un certain point ; mais, comme en définitive la prospérité des habitants se lie à celle des aubergistes, leurs intérêts sont presque absolument identiques. Tant qu’ils n’auront pas rendu leurs chemins moins difficiles et moins marécageux, les Italiens devront se résigner à voir la Suisse et la Savoie récolter la plus belle partie de la moisson d’or qu’apportent chaque été les étrangers. Que les aubergistes s’inquiètent aussi un peu plus de la question si importante des vivres. Très-souvent leurs provisions sont insuffisantes, et, d’après ma propre expérience, d’une qualité déplorable.

Je ne me risquerai pas à critiquer en détail les plats servis sur la table, car je suis parfaitement ignorant de ce qui peut entrer dans leur composition. Il est généralement admis parmi les touristes des Alpes que la viande de chèvre représente celle du mouton, et que le mulet figure le bœuf et le chamois. Je réserve mon opinion à ce sujet jusqu’à ce qu’on m’ait expliqué ce que deviennent les mulets quand ils sont morts. Mais je puis le dire sans blesser, je l’espère, les susceptibilités des aubergistes italiens que je connais, leurs relations avec leurs hôtes seraient fort adoucies s’il leur arrivait moins fréquemment de con-