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CHAPITRE VIII.

difficile par les côtés oriental et méridional, et qu’il fallait contourner la montagne pour atteindre le côté septentrional.

Ce mouvement tournant fut donc exécuté. Après avoir gravi quelques pentes de neige extrêmement raides (inclinées à plus de 40 degrés), nous nous trouvâmes, à 8 heures 45 minutes du matin, dans une espèce de brèche située entre l’Aiguille centrale et celle qui est la plus septentrionale ; nous nous mîmes alors à étudier la face septentrionale de ce pic que nous voulions gravir, et nous finîmes par conclure qu’il était relativement impraticable. Croz, haussant ses épaules de géant, s’écria : « Ma foi ! je crois que vous ferez bien de le laisser à d’autres.» Almer, plus explicite encore, affirma qu’il n’essayerait pas, même pour 1000 francs. Nous revînmes alors au pic le plus septentrional, mais son versant méridional paraissait encore plus inaccessible que les flancs nord du pic central. Nous nous accordâmes en conséquence le luxe, bien rare pour nous, d’un repos de trois heures au sommet de notre col ; car nous avions décidé que ce devait être un col.

Nous aurions pu avoir une plus mauvaise idée. Nous nous trouvions en effet à 3200 ou 3230 mètres au-dessus du niveau de la mer et nous découvrions une vue très-pittoresque sur les montagnes de la Tarentaise ; vers le sud-est, nous voyions le roi du massif du Dauphiné, avec lequel nous avions l’intention de faire plus ample connaissance. Trois heures s’écoulèrent ainsi au soleil et nous pensâmes à la descente. Nous apercevions au-dessous de nous les pâturages éloignés d’une vallée (que nous supposions être le vallon du ravin de la Sausse) ; une longue pente de neige y descendait. Mais des rochers à pic nous empêchèrent d’atteindre cette pente de neige, et, d’après notre première impression, nous pensâmes qu’il nous faudrait nous en retourner par le même chemin. Cependant, en rôdant çà et là, l’un de nous découvrit deux petits couloirs, remplis de petits filets de neige ; la descente fut résolue par le plus septentrional des deux. C’était un chemin escarpé, mais sûr, car ce couloir était si étroit, que nous pouvions appuyer nos épaules sur un de ses côtés et nos pieds sur l’autre ; en