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ESCALADES DANS LES ALPES.

Tous les touristes montagnards savent combien il est avantageux d’étudier à l’avance, et d’une hauteur qui la domine, la route que l’on doit parcourir, surtout dans une contrée inconnue. Seuls, les étourdis négligent cette précaution qui est d’une importance capitale. Règle générale, plus on se rapproche de la base terminale d’un pic, plus il est difficile de choisir son chemin avec intelligence. On attribue une importance exagérée à des sommets inférieurs ; des crêtes secondaires semblent les crêtes principales ; et des pentes plus ou moins raides dérobent à la vue les points qui les dominent. C’est un miracle si les plus grandes difficultés ne s’opposent pas à une ascension trop légèrement entreprise sans une étude préliminaire de l’importance et de la situation relative des différentes parties du trajet.

L’examen d’une route projetée, fait d’une hauteur plus ou moins rapprochée, sera très-utile à tous ceux qui ont déjà acquis l’habitude d’escalader les montagnes, et leur permettra d’éviter bien des obstacles qui eussent été presque insurmontables ; mais il ne leur fournira pas les éléments nécessaires pour décider avec certitude si toute la route sera ou non praticable. Par exemple, personne ne peut se prononcer positivement à distance sur la nature des rochers. Ceux dont il a été parlé plus haut offrent une preuve de cette vérité. Trois des guides les plus habiles et les plus expérimentés des Alpes s’accordèrent à penser qu’ils présenteraient les plus grandes difficultés, et ils n’en présentèrent aucune.

En réalité, plus les rochers sont entiers et en bon état de conservation, plus ils paraissent impraticables quand ils sont vus de loin, tandis que des rochers d’une pierre tendre et par conséquent trop facile à briser, et qui sont souvent les plus périlleux et les plus difficiles à gravir, semblent parfois à distance devoir être d’un accès si facile qu’un enfant les escaladerait aisément.

On risque moins de se tromper en décidant à l’avance si un glacier est ou non praticable. On en juge la traversée possible quand il offre peu de crevasses découvertes (ce qui se voit même à une grande distance), mais on ne peut pas savoir jusqu’à quel