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CHAPITRE IX.

mêmes causes qui produisent les formes les plus petites créent aussi les plus grandes sur le même modèle. Les unes et les
Fragment du sommet de la Pointe des Écrins.
autres sont soumises à des influences semblables ; la même gelée, la même pluie forment la masse aussi bien que ses parties.

Quand même l’espace ne me manquerait pas, je ne saurais donner qu’une très-faible idée de la vue que l’on découvre du sommet des Écrins. Un panorama qui embrasse un espace presque aussi vaste que l’Angleterre entière mérite bien qu’on prenne un peu de peine pour le regarder, car on n’en rencontre pas fréquemment de pareils dans les Alpes. Pas un nuage n’en dérobait une parcelle à notre vue, et la liste des sommets que nous découvrions comprendrait presque tous les pics les plus élevés de la chaîne. Je voyais maintenant le Pelvoux — de même que j’avais vu les Écrins du Pelvoux trois ans auparavant — par-dessus tout le bassin du glacier Noir. C’est une splendide montagne, quoique sa voisine l’Aléfroide l’égale en hauteur, si même elle ne la surpasse pas.

Nous ne pûmes rester que très-peu de temps sur le sommet de la Pointe des Écrins, et, à deux heures moins un quart, nous nous préparâmes à la descente. En regardant au-dessous de nous et en songeant aux mauvais pas que nous avions dû franchir pour monter, nous hésitâmes tous à repasser par le même chemin. Moore s’écria carrément : non. Walker en dit autant, moi aussi ; les deux guides furent du même avis ; cependant nous étions au fond intimement persuadés que nous n’avions pas de choix à faire. Mais nous gardions rancune à « ces maudits rochers de la fin ». S’ils n’avaient eu qu’une étendue modérée, ou s’ils avaient simplement été recouverts de verglas,