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CHAPITRE XIV.

de la base de ce versant et en cherchant des yeux un chemin pour l’escalader. Nos recherches furent d’abord inutiles ; une énorme bergschrund en défendait l’approche avec le plus grand succès ; semblable au fossé d’une forteresse, elle protégeait la muraille contre tout assaut. Nous continuâmes à grimper jusqu’à un point qui devait être à peu près à 300 mètres au-dessous de celui qui est marqué sur la carte 3912 mètres ; là, nous découvrîmes un pont que nous traversâmes à quatre pattes, en marchant sur les mains et les genoux.

J’ai dit plus haut qu’une bergschrund est une crevasse et même plus qu’une crevasse. Une schrund est tout simplement une grande crevasse ; une bergschrund est souvent, mais pas toujours, une grande crevasse. Ce mot s’applique à la dernière crevasse que l’on rencontre quand on quitte un glacier pour passer sur les rochers qui le limitent. C’est la crevasse qui le sépare de la montagne même (berg, montagne, schrund, crevasse). Quelquefois elle est extrêmement large ; mais, au commencement de la belle saison (en juin ou même avant), les bergschrunds sont en général d’ordinaire comblées par la neige ou traversées par des ponts de neige ; aussi n’offrent-elles pas de grands obstacles. Au milieu de l’été (en août par exemple), leur traversée est souvent très-difficile, parfois même elle est impossible.

L’inégalité de leur mouvement produit souvent des ruptures dans les glaciers. Le glacier se meut plus vite que la neige ou la glace qui adhèrent aux montagnes ; de là des crevasses ; si la partie supérieure a un mouvement plus lent, c’est qu’elle supporte un frottement plus considérable, car elle est toujours plus inclinée que la partie inférieure. On devrait donc croire que, en vertu de ce principe, la partie supérieure devrait se mouvoir plus vite que la partie inférieure, mais son mouvement se trouve au contraire ralenti par les aspérités des rochers sur lesquels ou à travers lesquels elle doit passer[1].

  1. Les couloirs sont invariablement protégés à leur base par des bergschrunds. Voir, p. 108, un exemple d’un couloir pourvu d’une double bergschrund.