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CHAPITRE XIV.

son opinion, les couches étaient « moins inclinées ou presque horizontales. » Il ajoutait : « de Saussure est sans doute exact[1]. » Selon moi, la vérité vraie doit se trouver entre les deux opinions.

Je connaissais fort bien ces deux passages des auteurs que je viens de citer ; mais je n’en avais pourtant tiré aucune application pratique jusqu’au moment où j’observai moi-même le fait qu’ils constataient. Ce fut seulement après mon insuccès de 1863 que j’attribuai à l’inclinaison des couches les obstacles particuliers de l’arête du sud-ouest. Dès que, dans ma conviction, l’obstacle véritable provenait de la structure des rochers et non de leur nature même, je dus naturellement en conclure que le côté opposé, c’est-à-dire le versant oriental de la montagne, pourrait être relativement plus facile à gravir. En un mot, je me dis que si les couches offraient d’un côté l’aspect de la figure 1, elles devaient présenter du côté opposé celui de la figure 2. Cette déduction vulgaire d’un fait positif me donnait la clef de l’ascension du Cervin.

La question à résoudre était celle-ci : l’inclinaison des couches persistait-elle à travers toute la masse de la montagne ? Si elle persistait, le grand versant oriental, au lieu d’être impraticable, était parfaitement accessible. Il devait, en fait, présenter un grand escalier naturel dont les degrés se trouvaient inclinés en dedans ; en ce cas, l’aspect poli de ses surfaces ne devait inspirer aucune inquiétude, parce que les plus petits de ces degrés, inclinés en ce sens, offraient nécessairement un appui solide.

Il en était ainsi, autant qu’on pouvait en juger à distance. Quand il neigeait pendant l’été, de longues terrasses blanches se détachaient en lignes à peu près parallèles sur le flanc de la montagne. Elles s’inclinaient (approximativement) dans la direction indiquée sur les gravures de la page 318. Dans ces circonstances, le versant oriental était presque entièrement blanc, tandis que les autres versants demeuraient noirs (à l’exception

  1. Voyage à travers les Alpes, 2e édit., p. 317.