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ESCALADES DANS LES ALPES.

mon attention se trouva instinctivement attirée sur un couloir[1] sinueux qui conduisait du glacier à la partie la moins élevée de l’arête ; et, après ma traversée du col de Triolet, je vis que le côté opposé n’offrait aucune difficulté particulière ; j’en conclus que c’était là le seul point de la chaîne qui pût offrir un passage plus facile que le col du Géant.

Nous quittâmes le Montanvert à 4 heures du matin, le 3 juillet, afin de constater si j’avais raison. Nous eûmes la bonne fortune de partir en même temps que le Rév. A. G. Girdlestone et l’un de ses amis, accompagnés de deux guides de Chamonix ; ces messieurs allaient traverser le col du Géant. Nous fîmes route ensemble aussi longtemps que possible, puis je pris, au sud du Jardin, avec mes guides, le chemin que j’avais proposé ; à 9 heures 35 minutes, nous atteignîmes le sommet du passage. Toute description serait inutile, notre route se trouvant clairement tracée sur la carte et sur la gravure placée en tête de ce chapitre.

Le col de Talèfre est à près de 3570 mètres d’altitude et à 182 mètres au-dessus du col du Géant. Une grande quantité de neige était tombée les jours précédents pendant le mauvais temps ; en nous reposant au sommet du passage, nous reconnûmes qu’il nous faudrait descendre avec une certaine précaution les rochers situés entre notre col et le glacier de Triolet ; les rayons du soleil y tombaient d’aplomb, et la neige, glissant d’arête en arête, absolument comme des nappes d’eau, roulait en cascades peu considérables, mais assez fortes cependant pour nous renverser si nous nous fussions trouvés sur son passage. Nous mîmes donc un certain temps à descendre ces rochers ; dès que nous entendions un certain sifflement indescriptible annonçant l’approche de ces espèces d’avalanches, nous nous cachions sous les rochers jusqu’à ce que la neige eût cessé de tomber.

Nous arrivâmes ainsi sans mésaventure sur le plateau du glacier de Triolet ; de là, nous nous dirigeâmes vers son versant

  1. Ce couloir étroit n’est pas trop escarpé. Règle générale, il faut éviter les larges couloirs s’ils sont le moins du monde raides, car ils sont ordinairement remplis de glace. Les couloirs étroits sont presque toujours pleins de neige.