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CHAPITRE XX.

miner le Cervin, et quelques oisifs, assis dans la salle, leur demandèrent ce qu’ils comptaient faire. La réponse de M. Hudson confirma le récit de Croz ; il devait partir le lendemain, en même temps que nous. Sortis de la salle pour nous consulter, nous tombâmes d’accord qu’il serait vraiment fâcheux de voir deux expéditions indépendantes tenter en même temps la même ascension. Nous allâmes donc inviter M. Hudson à se joindre à nous ; il voulut bien accepter notre proposition. Cependant, avant d’admettre dans notre expédition son ami M. Hadow, je crus devoir m’informer des courses qu’il avait faites dans les Alpes ; M. Hudson me répondit, autant qu’il m’en souvient : « M. Hadow a fait l’ascension du Mont-Blanc en moins de temps que la plupart des autres ascensionnistes. » Puis il me cita plusieurs autres excursions qui m’étaient absolument inconnues, et conclut en disant : « Dans mon opinion, il est tout à fait en état de nous accompagner. » M. Hadow fut donc admis sans plus ample examen, et nous nous occupâmes des guides. D’après l’avis d’Hudson, Croz et le vieux Pierre suffisaient parfaitement. Consultés à cet égard, ils n’élevèrent aucune objection.

Ainsi, Croz et moi redevînmes une fois de plus compagnons de route. M’étant jeté sur mon lit pour tâcher de dormir un peu, je repassai dans mon esprit l’étrange série de hasards qui nous avaient d’abord séparés, et qui maintenant nous réunissaient. Je pensais au malentendu qui lui avait fait accepter l’engagement de M. B. ; à sa répugnance instinctive pour le versant oriental ; à son insistance pour reporter tout l’emploi de notre temps et de nos forces sur la chaîne du Mont-Blanc ; à la retraite d’Almer et de Biener ; à la désertion de Carrel ; puis à l’arrivée de lord Francis Douglas, et enfin à notre rencontre fortuite à Zermatt. Tout en songeant à ces circonstances singulières, je ne pouvais m’empêcher de me demander : « Eh bien ! qu’en arrivera-t-il ? » Hélas ! quel récit différent j’aurais eu à faire si un seul des anneaux de cette chaîne fatale de circonstances imprévues se fût rompu !