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CHAPITRE II.

croire en Chine. Il n’est pas facile pour les étrangers de comprendre les dialectes soit écrits, soit parlés. On se rendra facilement compte de la difficulté en jetant les yeux sur les exemples ci-joints, qui sont deux versions de la parabole de l’Enfant prodigue[1].

Je quittai les abominations d’Abriès pour aller chercher une paisible botte de foin au Chalp, village plus rapproché du Viso de quelques kilomètres. En approchant du Chalp, je sentis une odeur toute particulière dont je reconnus la cause en tournant l’angle d’une maison où j’aperçus le curé entouré de quelques-unes de ses ouailles. Je m’avançai humblement vers lui, le chapeau à la main ; mais, avant que j’eusse pu dire un mot, il s’écria avec violence : « Qui êtes-vous ? Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ? » Je tâchai de m’expliquer. « Vous êtes un déserteur ; je suis sûr que vous êtes un déserteur ; allez-vous-en, vous ne pouvez pas rester ici ; allez à le Monta, dans le bas de la vallée ; je ne veux pas de vous ici. » Et il me chassa littéralement du village. J’eus plus tard l’explication de cette étrange conduite. Des soldats piémontais, fatigués du service militaire, étaient descendus assez fréquemment dans la vallée par le col de la Traversette, et l’on avait eu à regretter l’hospitalité qu’on leur avait accordée. Mais je l’ignorais alors ; aussi n’étais-je pas médiocrement indigné de me voir considéré

  1. Échantillon du patois des environs de Gap :

    Un sarten homme aïe dous garçous ; lou pus jouve dissee a soun païre : « Moun païre, beila me la pourtiou d’ou ben que me reven. » Et lou païre fee en chascu sa part. Et paou de tens après, lou cadet, quant aguee fachs sa pacoutilla, se mettec en routo, et s’en anec dine un païs eiloigna, ounte mangec tout ce qu’aïé enbe les fumelles. Et quant aguec tout fricassa, l’y aguec dinc aqueou païs-acqui une grande famine, et commensec a aver famp.

    Voici maintenant un échantillon du pays de Monétier :

    Un home avas dou bos. Lou plus giouve de isou disse à son pere : « Moun pere, moun pere, donna-me soque me duou reveni de vatre be. » Et lou pere lour faze ou partage de soun be. Paouc de giours après, lou plus giouve deiquelou dou bos, après aveira amassa tout so que aou lavie, sen ane diens un païs etrangie ben leigu, aount aous dissipe tout soun be diens la grande deipensa et en deibaucha. Après qu’aou lague tout deipensa, larribe una grand famina diens iquaou païs ilai, et aou cheique diens lou besoign.