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INITIATION MUSICALE

À la chapelle du château, les vieux Noëls le ravissaient ; il admirait les chœurs et demandait la permission d’assister chaque jour aux offices. À la Comédie italienne, il écoutait attentivement la musique des Philidor et des Monsigny. Entre temps, il écrivait quatre sonates de clavecin qu’il dédiait a Madame Victoire de France. Ce fut son premier recueil gravé[1].

Plus tard, il revient à Paris. Alors il a vingt ans ; partout en Italie, à Vienne, à Munich, à Salzbourg, il a donné la mesure de son génie. Mais il semble qu’une sorte de ligue d’envie et de jalousie veuille, chez nous, lui barrer la route. Les circonstances, d’ailleurs, sont défavorables. Gluck règne en souverain maitre à l’Opéra. Grétry et Monsigny se partagent le monopole de la Comédie italienne. Le directeur du Concert spirituel refuse de le jouer, Versailles l’a oublié. Pour comble d’infortune, sa mère, qui l’a accompagné en France, meurt de désespérance et presque de misère. On l’enterre à Saint-Eustache (3 juillet 1778) ; derrière le cercueil, Mozart, un de ses compatriotes et la tenancière de l’auberge des Quatre fils Aymon, voilà tout le cortège[2]. « Les Français sont des brutes, » a-t-il dit…

Avouons-le : du Paris d’alors, de tant de déceptions, de tant d’injustices, de si cruels chagrins, comment ne pas garder rancune ?

Tout à coup : une lettre le rappelle a Munich,

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  1. Mozart était né en 1756. Avec son père, pendant son séjour à Paris, il habita l’hôtel de Beauvais, qui existe encore, 68, rue Francois-Miron, près l’église Saint-Gervais.
  2. Dernièrement, à Saint-Eustache, j’écoutais la maîtrise de M. Raugel répéter l’admirable Ave Verum. L’église était vide. Suivi de deux hommes et d’une femme, un pauvre cercueil y entra. Coïncidence émouvante : Mozart, pour nous était là…