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L’HISTOIRE ET LA LÉGENDE

Gall dit que le pape lui envoya douze chantres excellents et des mieux versés au chant d’église, selon le nombre des douze Apôtres, pour régler les accords des églises de son empire, afin qu’un même chant y fût observé partout. Mais ces chantres complotèrent ensemble de diversifier tellement ce chant que jamais les Français ne pourraient apprendre d’eux une même harmonie.

« Étant arrivés en la Cour de Charlemagne, après avoir été honorablement reçus, aussitôt qu’ils furent envoyés en divers lieux pour enseigner la façon de chanter à la Romaine, ils enseignèrent les Français si diversement et avec tant de corruption que l’Empereur, ayant passé les fêtes de Noël et des Rois dans la ville de Trèves et en celle de Metz, où il prit plaisir à la façon de chanter à la Romaine, et l’année d’après, passant les mêmes fêtes à Paris et à Tours et n’entendant rien de semblable à l’harmonie de l’année précédente, ayant même voulu curieusement écouter ceux qu’il avait envoyés en divers lieux et les trouvant tous différents et discordants les uns des autres… il en fit la plainte au Pape, lequel les ayant appelés à Rome condamna les uns au bannissement, les autres à tenir prison perpétuelle.

« Quelque temps après, Charlemagne envoya deux clercs de sa chapelle à Rome, lesquels, étant parfaitement instruits, retournèrent en France, et par leur industrie le chant romain y fut rétabli dans toutes les églises. »

« Ce qu’il y a d’admirable, remarque Nivers, c’est que, sous le règne de Louis le Débonnaire, ce chant fut plus corrompu que jamais ; en ce temps-là, le véritable Grégorien ne subsistait plus que dans la mémoire de quelques Romains ; il n’y

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