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L’HISTOIRE ET LA LÉGENDE

L’œuvre parut en 1792 chez un éditeur de Strasbourg. Un journal de Marseille la reproduisit, et les volontaires phocéens, à leur entrée dans Paris, enthousiasmèrent la foule en la chantant à pleins poumons… On la chanta ensuite à Jemmapes, à Valmy, sur l’Escaut, sur la Sambre, sur le Rhin et encore autre part.

En 1797, Rouget de Lisle reçut du Directoire le surnom de « Tyrtée français ». En 1830, Louis-Philippe le nomma chevalier de la Légion d’Honneur.

Histoire ou légende ? Ce n’est pas seulement en Égypte ou en Grèce, au temps de Sésostris ou de Périclès, que plane le mystère, mais c’est aussi chez nous et tout près de nous.

Le Te Deum est-il de Sophocle ou de Nicétas ?

Le God save the King de Lulli ou de Hændel ?

La Marseillaise de Rouget de Lisle ou de Grisons ?

Shakespeare est-il l’auteur d’Hamlet, Léonard de « notre » belle Ferronnière, Gounod de Faust ? Des critiques d’outre-Manche contestaient récemment cette dernière paternité, ce qui n’a pas laissé de surprendre la famille et les amis du regretté maître français.

La recherche de la paternité des œuvres ne semble donc pas moins décevante que celle de la vérité des textes. Alors que l’Histoire nous conserve, en assez grand nombre, les noms de poètes collaborateurs de l’hymnodie latine, elle ne mentionne aucun nom de musicien, et ainsi nos très vénérables confrères restent-ils dans le mystère ou la légende. Résignons-nous, contentons-nous de connaître quelque peu de notre pays d’origine, et de savoir où s’amorce la grande chaîne du développement de notre art…

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