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INITIATION MUSICALE

En 1786, Louis XVI accorde au jeune Èrard un brevet « pour les méthodes nouvelles apportées à la fabrication de l’instrument nommé forte-piano. » Survient la Révolution : Sébastien Érard transporte à Londres son industrie. De retour en France, il invente le double échappement qui permet au virtuose « les nuances les plus délicates avec l’articulation la plus rapide ». C’était créer le piano moderne. De là, gloire et fortune.

Le génial mécanicien avait une âme d’artiste. Il fait hommage à Beethoven du plus beau de ses instruments. Lié avec David, c’est d’après ses conseils qu’il collectionne d’admirables tableaux. Célèbres, les réceptions du château de la Muette[1] où fréquentaient toutes les illustrations contemporaines, et dont son neveu, Pierre Érard, et plus tard Mme Pierre Èrard, sa veuve, femme d’un esprit supérieur, conservèrent l’hospitalière tradition[2]. Que de noms à citer parmi les habitués du dimanche : Spontini, Rossini, Meyerbeer, Berlioz, Liszt, Gounod, Ingres, Horace Vernet, Hébert, Jules Janin, Legouvé, Sardou, Émile Ollivier…

L’intelligente curiosité de Sébastien Érard ne s’était point limitée au piano ; il étudia la construction d’autres instruments, et Charles X lui commanda l’orgue de la chapelle des Tuileries. Là encore il inventa : suivant le degré d’enfoncement de la touche, l’intensité du son augmentait ou diminuait. Le moyen était peu efficace et il y renonça bientôt. Ce ne fut qu’une fantaisie.

  1. Il l’avait achetée en 1821 (La Muette, par le comte de Franqueville, Hachette, édit).
  2. Mme Pierre Érard mourut en 1889. Elle Vivait à la Muette avec sa belle-sœur, Mme Spontini, veuve de l’auteur de la Vestale, et sa nièce qui épousa le comte de Franqueville.