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ÂME BLANCHE

paroles, nous fûmes conduites par cette fille dans un admirable jardin où fleurissaient des lis blancs, où des roses-thé s’effeuillaient et qui, tout d’abord, me parut désert. Pourtant une voix d’homme, la voix du professeur Oppelt venu sur nos pas, disait :

— La voici.

Et je vis une femme…, non…, ni une femme, ni un être, une forme, une ombre, quelque chose de si peu terrestre qu’aucune appellation positive ne saurait lui convenir. C’était ma mère…, ni enlaidie, ni vieillie, ni disgraciée : amincie jusqu’à l’invraisemblance, grandie, semblait-il, grandie et fine jusqu’à donner l’illusion de l’irréalité. Sa robe en crépon blanc uni et souple, dont elle tenait la jupe relevée devant, en un geste puéril, augmentait encore le caractère de cette impression d’immatérialité, Elle marchait, d’une marche droite, d’un pas rythmique, ne faisant aucun bruit, et quand sa promenade l’eut rapprochée de nous, je vis que ses yeux bleus avaient toujours la même lumière si douce et si éblouissante d’autrefois.

— Maman, maman ! criais-je en lui tendant les bras, avec l’absolue conviction que cette créature exquise, restée, après six années d’internement, aussi jeune, aussi distinguée, aussi séduisante, n’était pas, ne pouvait pas être folle.

Mais elle eut l’air de n’avoir rien entendu et avisa seulement ma poupée, qui n’avait pas