Elle sortait beaucoup, semblait préoccupée d’un projet dont elle évitait de me parler, recevait une nombreuse et copieuse correspondance et, parfois, des missives à tournure officielle.
Or, par un radieux matin de septembre, quand nous fûmes à la veille du jour fatal de la vente judiciaire, elle me dit seulement :
— Line, le moment est venu de nous séparer, mon enfant.
— Quoi, fis-je, stupéfaite, nous allons nous séparer, ma tante ?
— Oui, nous allons nous séparer. On commencera demain la vente de ce que contient cette maison, pour, ensuite, vendre la maison elle-même. Il est temps de la quitter. Mettez votre chapeau, rassemblez les hardes qui vous appartiennent ; je vais vous conduire à la gare où vous prendrez, avec Véronique, le train pour Anvers. Votre oncle Lorentz, prévenu, doit vous attendre toutes deux à la descente du wagon…
— Mais vous…, vous, ma tante, l’interrompis-je, que comptez-vous faire si vous ne m’accompagnez point ?
— Soyez sans inquiétude pour moi-même ni pour Wantje ; celle-ci va entrer à l’hospice Sainte-Gertrude : j’ai obtenu cela pour elle ; elle y achèvera sa vieillesse, et c’était son désir. — Quant à moi, poursuivit Mlle Veydt avec un pâle sourire, une intonation presque gaie, vous savez, ma fille, que je suis assez bonne garde-malade…