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ÂME BLANCHE

gilets en cœur, pleins d’attentions banales pour les dames, de petits soins, de phrases galantes, et je me pris à sourire, sans trop savoir si j’étais ravie ou déçue de constater qu’il était, en tout, leur antipode.


Le soir, après le dîner, il vint sans timidité ni gaucherie, s’asseoir à côté de moi, sur le même canapé, et il m’interrogea sur ma mère avec un intérêt, une délicatesse de termes et un charme d’accent dont je l’aurais jugé incapable :

— Elle vous a presque reconnue, ma petite âme blanche, fit-il, me rappelant, sans songer à s’excuser, ma dernière lettre laissée sans réponse ; cela date déjà de plusieurs mois. Maintenant, où en êtes-vous avec la pauvre malade : vous a-t-elle reconnue effectivement ?

Je dus avouer qu’il n’en était rien, hélas ! Mais j’espérais un miracle de la musique et je le dis à Jacques. Mme Veydt, sans toutefois se remettre elle-même au piano, était indiciblement heureuse quand, m’établissant devant l’instrument placé en sa chambre, j’y jouais les morceaux de sa prédilection d’autrefois et qu’il m’avait été facile de retrouver parmi sa bibliothèque musicale. Or, mystère déconcertant de notre système psychique, dont à peu près tout est mystère : cette malheureuse aliénée, incapable de se rappeler le nom de sa fille, ni son propre nom, ni son âge, citait un à un, sans se