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Page:Wiele - Ame blanche.djvu/64

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ÂME BLANCHE

ce paysage mi-aquatique…, je me rappelle la douceur mauve des thyrses d’un lilas ; un buisson d’aubépine ; un groseillier chargé de fruits petits et si pâlement roses, décolorés eût-on dit, tremblants au bout de grappes grêles comme autant de gouttelettes d’un sang anémique jaillies de veines trop lâches pour pouvoir les contenir ! Et je me rappelle les clématites dont les fines corolles d’un blanc lavé de vert retombaient si bas par-dessus une clôture que la rivière en était effleurée. Puis, c’est un arbuste qui fend un mur en ruine, tors, à peine feuillu, accroché aux pierres tremblantes comme un câble résolu à les maintenir solidement…, c’est une volière vide que j’aperçois dans une cour triste…, un fauteuil d’osier dans une tonnelle où un vieillard se chauffe au premier soleil…, des choses fanées, des végétations malingres, des gens mornes… Van Moer a peint à l’aquarelle ces vues du Bruxelles d’autrefois exquisement.

Une boulangerie avait sa devanture juste au tournant de l’un des ponts, le pont des Vanniers, à l’angle de la rue de ce nom et de la rue de l’Évêque, et c’est dans une sorte de cage continuant le logis sur la Senne que les mitrons pétrissaient la pâte. Je suis restée plus d’une fois appuyée là, de longues minutes, à un garde-fou, pendant que ma grand’mère, entrée dans la boutique, s’y occupait de quelque