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ÂME BLANCHE

épanouies en auraient été expulsées aussitôt. Mais, dans un bassin de porphyre, à peine plus grand qu’un saladier, quatre poissons rouges se poursuivaient continuellement, l’air mélancolique. Un parterre de tulipes qui fleurissaient au printemps et dont on entourait les corolles d’un rond de papier afin quelles ne pussent s’épanouir que jusqu’à un certain point ; des camomilles qu’on récoltait en été, pour en avoir la tisane plus tard, et une touffe de pâles hortensias, cadeau reconnaissant d’une cliente au docteur, qu’on avait plantés et qui s’accommodèrent du sol maigre, de l’ombre et de l’humidité de l’endroit, voilà pour le flore de ce jardin.

De plantations choisies pour leur beauté, pour leur ombrage ou pour leur parfum, il n’en possédait aucune autre et je n’ai jamais vu ailleurs, sinon dans les boîtes à joujoux, rien qui ressemblât à la silhouette régulière et droite, effilée, en manière de cierge, par un émondeur trop savant, des quatre poiriers qui faisaient les coins du gazon. On enfermait leurs poires mûrissantes dans des sacs de tulle pour les préserver de l’atteinte des mouches.

Tante Josine, dès qu’elles étaient nouées, les comptait, veillait à ce qu’il ne leur arrivât rien de fâcheux, les habillait de ce sac et, l’automne venu, les cueillait elle-même pour, ensuite, les ranger soigneusement dans le fruitier : mon grand-père en mangeait à jeun, chaque jour, à