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ÂME BLANCHE

peine cinq. On y jouait bien plus souvent qu’on n’y apprenait l’alphabet. Aussi, je n’étais pas d’une semaine en demi-pension chez les Sœurs de la Miséricorde, que ce couvent devenait mon univers : Wantje m’y menait le matin, à huit heures ; j’y restais jusqu’après le souper et, bientôt, seules, me semblèrent lentes et vides les journées de vacance passées rue Marcq.

En ce temps-là, ma sensibilité native, — développée par le milieu ambiant, la religion, présentée sous une forme si attrayante aux fillettes de la classe élémentaire, toute sonore de musique sacrée, de la récitation fréquente des litanies à la Vierge — ma sensibilité augmenta encore. L’odeur de l’encens montant en spirales bleues sous la voûte azurée de notre chapelle que constellaient d’innombrables étoiles d’or, comme au ciel, où sont Jésus, sainte Marie, sainte Anne, saint Joseph, tous les bienheureux et tous les apôtres, me faisaient penser à un pays d’enchantements, peuplé d’êtres d’une bonté adorable, et mon imagination m’y logeait moi-même toute immatérielle, toute blanche, des ailes dans le dos. Les récits merveilleux de Véronique avaient contribué certainement à cette tendance vers la chimère et il m’arrivait de confondre les anges de nos cantiques et les nains de ses légendes : je les enveloppais, les uns et les autres, dans la même admiration ravie et je les croyais capables de tous les prodiges.