Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/165

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mais comme l’expression la plus complète de cette personnalité qu’il me fût possible d’atteindre. »

C’est certainement son expression la plus complète, et par là elle réalise sa perfection intégrale.

« Le poète, dit-elle quelque part, est à la fois plus riche et plus pauvre qu’il ne l’était d’ordinaire : il est vêtu de meilleur drap, mais il ne prononce plus d’oracles. »

Ces mots donnent le diapason de sa façon de concevoir la mission du poète.

Il était fait pour prononcer les oracles de la Divinité, pour être à la fois un prophète inspiré et un prêtre saint, et nous pouvons sans exagération, à mon avis, la considérer comme telle.

Elle était une Sibylle apportant un message au monde, parfois avec des lèvres bégayantes, et une fois, au moins, avec les yeux bandés, mais toujours avec le vrai feu et la ferveur d’une foi fière et inébranlable, toujours avec les grands élans d’une nature spirituelle, les nobles ardeurs d’une âme passionnée.

Quand nous lisons ses meilleures poésies, nous sentons que quoique le sanctuaire d’Apollon soit vide, quoique le trépied soit renversé, quoique le vallon de Delphes soit désolé, la Pythie n’est point encore morte.

En notre propre siècle, elle a chanté pour nous, et ce pays-ci l’a fait naître pour la seconde fois.

Vraiment, Mistress Browning est la plus sage des Sibylles, plus sage même qu’aucune des figures puissantes que Michel-Ange a peintes sur la voûte de la