Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/340

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parent que sa mère, et il le dit avec autant de précision qu’un conférencier de la Société Royale.

Comme Platon, il emploie le dialogue comme moyen d’expression, « mettant des mots dans la bouche des gens, nous dit-il, afin d’arriver à la largeur de vues. »

Comme conteur d’histoires, il est charmant.

Le récit de la visite faite par le respectable Confucius au Grand Voleur Chê est des plus animés, des plus brillants, et il est impossible de ne pas rire de la déconfiture finale du Sage, qui voit la stérilité de ses platitudes morales rudement mise en lumière par l’heureux bandit.

Même dans sa métaphysique, Chuang-Tzù possède un humour intense.

Il personnifie ses abstractions et leur fait jouer des pièces devant vous.

Il nous conte comme l’Esprit des Nuées, se rendant du côté de l’Est à travers l’espace aérien, rencontra par hasard le Principe Vital.

Ce dernier se donnait des tapes sur les côtes et allait sautillant.

Sur quoi l’Esprit des Nuées dit :

— Qui êtes-vous, vieux, et que faites-vous ?

— Je me promène, répondit le Principe Vital, sans s’arrêter, car toutes les activités sont incapables de repos.

— Je voudrais bien savoir quelque chose, dit l’Esprit des Nuées.

— Ah ! s’écria le Principe vital, d’un ton de désapprobation.

Puis vient un merveilleux entretien, qui offre quel-