Page:Wilde - Derniers essais de littérature et d’esthétique, 1913.djvu/68

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rer en un système de notation presque algébrique, et le bourgeois moderne de la cité, qui prend un billet pour Blackfriars-Bridge, ne songe naturellement pas aux moines dominicains qui avaient jadis un monastère au bord de la Tamise, et qui ont transmis leur nom à cet endroit.

Mais il n’en était pas ainsi aux époques primitives.

On y avait alors une conscience très nette du sens réel des mots.

La poésie antique, en particulier, est pénétrée de ce sentiment, et on peut même dire qu’elle lui doit une bonne partie de son charme et de sa puissance poétique.

Ainsi donc ces vieux mots et ce sens ancien des mots, que nous trouvons dans l’Odyssée de M. Morris, peuvent se justifier amplement par des raisons historiques et, chose excellente, au point de vue de l’effet artistique.

Pope s’efforça de mettre Homère dans la langue ordinaire de son temps, mais à quel résultat arriva-t-il ? Nous ne le savons que trop.

Pour M. Morris, qui emploie ses archaïsmes avec le tact d’un véritable artiste, et à qui ils semblent venir d’une façon absolue, spontanément, il a réussi, par leur moyen, à donner à sa traduction cet air non pas de singularité, car Homère n’est jamais piquant, mais de romanesque primitif, cette beauté du monde naissant, que, nous autres modernes, nous trouvons si charmants et que les Grecs eux-mêmes sentaient si vivement.

Quant à citer des passages d’un mérite particulier,