Page:Wilde - Le Portrait de monsieur W. H., trad. Savine, 1906.djvu/183

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À Oxford, nous avions été grands amis. Je l’aimais énormément.

Il était si bon, si plein d’entrain, si plein d’honneur. Nous disions souvent de lui qu’il serait le meilleur garçon du monde sans son penchant à dire toujours la vérité, mais je crois que réellement nous ne l’en admirions que davantage pour sa franchise.

Je le trouvai bien un peu changé.

Il avait l’air anxieux, embarrassé. On eût dit qu’il avait des doutes au sujet de quelque chose. Je devinais que ce n’était point là un effet du moderne scepticisme, car Murchison était le plus immuable des torys et il croyait au Pentateuque avec autant de fermeté qu’il croyait en la Chambre des Pairs.

Je conclus qu’il y avait une femme sous roche et je lui demandai s’il était déjà marié.

— Je ne comprends pas encore assez les femmes, répondit-il.

— Mon cher Gérald, dis-je, les femmes sont faites pour qu’on les aime et non pour qu’on les comprenne.