Page:Wilde - Le Portrait de monsieur W. H., trad. Savine, 1906.djvu/62

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Le mariage que Shakespeare propose à Willie Hughes, c’est le mariage avec sa muse, une expression qui est précisément employée dans le 82e sonnet où, dans l’amertume de son cœur, lors de la défection du jeune acteur, pour qui il avait écrit ses plus grands rôles et dont la beauté les lui avait vraiment inspirés, il commence ses doléances en disant :

Je conviens que tu n’es pas marié à ma muse.

Les enfants qu’il le suppliait d’engendrer ne sont pas des enfants de sang et de chair, mais les plus immortels enfants d’une gloire qui ne peut mourir.

Tout le cycle des premiers sonnets est simplement l’invitation de Shakespeare à Willie Hughes de monter sur la scène et de se faire acteur. Combien ce serait chose vile et vaine, dit-il, que votre beauté, si vous n’en usiez pas.

Lorsque quarante hivers assiégeront ton front et creuseront des tranchées profondes dans le champ de ta beauté, la fière livrée de