vers la table et y déposant sa tasse. J’espère que Dorian vous fait part de mon plan de rebaptiser toute chose, Gladys. C’est une idée charmante.
— Mais je n’ai pas besoin d’être rebaptisée, Harry, répliqua la duchesse, le regardant de ses beaux yeux. Je suis très satisfaite de mon nom, et je suis certaine que Mr Gray est content du sien.
— Ma chère Gladys, je ne voudrais changer aucun de vos deux noms pour tout au monde ; ils sont tous deux parfaits… Je pensais surtout aux fleurs… Hier, je cueillis une orchidée pour ma boutonnière. C’était une adorable fleur tachetée, aussi perverse que les sept péchés capitaux. Distraitement, je demandais à l’un des jardiniers comment elle s’appelait. Il me répondit que c’était un beau spécimen de Robinsoniana ou quelque chose d’aussi affreux… C’est une triste vérité, mais nous avons perdu la faculté de donner de jolis noms aux objets. Les noms sont tout. Je ne me dispute jamais au sujet des faits ; mon unique querelle est sur les mots : c’est pourquoi je hais le réalisme vulgaire en littérature. L’homme qui appellerait une bêche, une bêche, devrait être forcé d’en porter une ; c’est la seule chose qui lui conviendrait…
— Alors, comment vous appellerons-nous, Harry, demanda-t-elle.
— Son nom est le prince Paradoxe, dit Dorian.
— Je le reconnais à ce trait, s’exclama la duchesse.
— Je ne veux rien entendre, dit lord Henry, s’asseyant dans un fauteuil. On ne peut se débarrasser d’une étiquette. Je refuse le titre.
— Les Majestés ne peuvent abdiquer, avertirent de jolies lèvres.
— Vous voulez que je défende mon trône, alors ?…