Page:Wilde - Le portrait de Dorian Gray, 1895.djvu/313

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
307
DE DORIAN GRAY

Nous sommes ce que nous sommes et serons ce que nous pourrons. Quant à être empoisonné par un livre, on ne vit jamais rien de pareil. L’art n’a aucune influence sur les actions ; il annihile le désir d’agir, il est superbement stérile. Les livres que le monde appelle immoraux sont les livres qui lui montrent sa propre honte. Voilà tout. Mais ne discutons pas de littérature… Venez demain, je monte à cheval à onze heures. Nous pourrons faire une promenade ensemble et je vous mènerai ensuite déjeuner chez lady Branksome. C’est une femme charmante, elle désire vous consulter sur une tapisserie qu’elle voudrait acheter. Pensez-vous venir ? Ou bien déjeunerons-nous avec notre petite duchesse ? Elle dit qu’elle ne vous voit plus. Peut-être êtes-vous fatigué de Gladys ? Je le pensais. Sa manière d’esprit vous donne sur les nerfs… Dans tous les cas, soyez ici à onze heures.

— Faut-il vraiment que je vienne, Harry ?

— Certainement, le Parc est adorable en ce moment. Je crois qu’il n’y a jamais eu autant de lilas depuis l’année où j’ai fait votre connaissance.

— Très bien, je serai ici à onze heures, dit Dorian. Bonsoir, Harry…

Arrivé à la porte, il hésita un moment comme s’il eût eu encore quelque chose à dire. Puis il soupira et sortit…