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LE PORTRAIT

parents que les Anglais à dissimuler leur passé, dit-il en se levant pour partir.

— Ce sont des marchands de cochons, je suppose ?

— Je l’espère, oncle Georges, pour le bonheur de Dartmoor. J’ai entendu dire que vendre des cochons était en Amérique, la profession la plus lucrative, après la politique.

— Est-elle jolie ?

— Elle se conduit comme si elle l’était. Beaucoup d’Américaines agissent de la sorte. C’est le secret de leurs charmes.

— Pourquoi ces Américaines ne restent-elles pas dans leurs pays. Elles nous chantent sans cesse que c’est un paradis pour les femmes.

— Et c’est vrai, mais c’est la raison pour laquelle, comme Ève, elles sont si empressées d’en sortir, dit lord Henry. Au revoir, oncle Georges, je serais en retard pour déjeuner si je tardais plus longtemps ; merci pour vos bons renseignements. J’aime toujours à connaître tout ce qui concerne mes nouveaux amis, mais je ne demande rien sur les anciens.

— Où déjeunez-vous Harry ?

— Chez tante Agathe. Je me suis invité avec M. Gray, c’est son dernier protégé.

— Bah ! dites donc à votre tante Agathe, Harry, de ne plus m’assommer avec ses œuvres de charité. J’en suis excédé. La bonne femme croit-elle donc que je n’aie rien de mieux à faire que de signer des chèques en faveur de ses vilains drôles.

— Très bien, oncle Georges, je le lui dirai, mais cela n’aura aucun effet. Les philanthropes ont perdu toute notion d’humanité. C’est leur caractère distinctif.