Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/120

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 Car ce n'est point dans les paisibles campagnes
 de l'Angleterre que ces hommes-là, nos frères, ont
 été déposés sur le lit de repos, où nous pourrions
 couvrir leurs boucliers brisés de toutes les fleurs
 que préfèrent les morts.
 Il en est de leur nombre qui gisent près des
 murs de Delhi, beaucoup d'autres dans la terre afghane,
 et beaucoup au pays où le Gange coule
 pendant sept mois sur des sables mobiles.
 Et d'autres gisent dans les mers russes, et
 d'autres dans les mers qui sont les portes de
 l'Orient, ou bien près des hauteurs de Trafalgar
 que balaie le vent.
 O tombeaux errants, ô sommeil sans repos, ô silence
 du jour sans soleil! ô ravin tranquille, ô
 profondeur orageuse, rendez votre proie! rendez
 votre proie!
 Et toi, dont les blessures ne se guérissent jamais,
 toi qui ne parviens jamais au terme de la
 course pénible, ô Angleterre de Cromwell, faut-il
 que tu paies d'un de tes fils chaque pouce de
 terre?
 Va! Couronne d'épines ta tête ornée d'une couronne
 d'or. Que ton chant de joie fasse place au
 chant de la souffrance. Le vent et la vague furieuse
 l'ont pris tes morts, et jamais ils ne te les rendront.
 La vague, le vent furieux, la rive étrangère