Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/15

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HÉLAS !

Être entraîné à la dérive de toute passion jusqu’à ce que mon âme devienne un luth aux cordes tendues dont peuvent jouer tous les vents, c’est pour cela que j’ai renoncé à mon antique sagesse, à l’austère maîtrise de moi-même.

À ce qu’il me semble, ma vie est un parchemin sur lequel on aurait écrit deux fois, où en quelque jour de vacances, une main enfantine aurait griffonné de vaines chansons pour la flûte ou le virelai, sans autre effet que de profaner tout le mystère.

Sûrement il fut un temps où j’aurais pu fouler les hauteurs ensoleillées, où parmi les dissonances de la vie, j’aurais pu faire vibrer une corde assez sonore pour monter jusqu’à l’oreille de Dieu !

Ce temps-là est-il mort ? Hélas ! faut-il que pour avoir seulement effleuré d’une baguette légère le miel de la romance, je perde tout le patrimoine dû à une âme.