Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/19

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LE JARDIN D'ÉROS

 Nous voici en plein printemps, au coeur de juin;
 pas encore les travailleurs hâlés ne se hâtent sur les
 prairies des hauteurs, où l'opulent automne, saison
 usurière, ne vient que trop tôt offrir aux arbres l'or
 qu'il a mis de côté, trésor qu'il verra disperser par
 la folle prodigalité de la brise.
 Il est bien tôt, vraiment! l'asphodèle, enfant
 chérie du Printemps, s'attarde pour piquer la jalousie
 de la rose; la campanule, elle aussi, tient
 déployé son pavillon d'azur. Et, pareil à un fêtard
 égaré, perdu, que ses frères ont laissé là, pour
 s'enfuir des bosquets, d'où les a chassés la grive,
 messagère de juin,
 seul, un pâle narcisse reste là, tout apeuré, tapi
 dans un coin d'ombre, où des violettes, presque inquiètes
 de leur propre beauté, se refusent à regarder