Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/28

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de leurs routes de fer notre île charmante, et

 qu'ils rompent les membres de l'Art sur des
 roues tournoyantes, hélas! bien que les usines
 bondées propagent l'ignorance, ver rongeur qui tue
 l'âme, oh! reste encore.
 Car il est au moins un homme,--il tire son
 nom de Dante et du séraphin Gabriel, et son double
 laurier brûle d'une flamme impérissable pour
 éclairer ton autel. Celui-là t'aime bien, qui vit le
 vieux Merlin se prendre au piège de Viviane, et les
 anges aux pieds blancs descendre les marches
 d'or[6].

[Note 6: Gabriel Dante Rosetti.]

 Il t'aime si bien que l'univers doit se couvrir de
 vêtements aux couleurs somptueuses, et le Chagrin
 prendre un diadème de pourpre, ou, sans cela, il
 cesserait d'être le Chagrin; et le Désespoir devrait
 dorer ses cornes, et la Douleur, pareille à Adon, serait
 belle même dans son excès. Tel est l'empire
 qu'exercent les Peintres, tel est l'héritage que
 possède notre solennel Esprit, car avec toute sa
 pitié, son amour, sa lassitude, il est un miroir plus
 fidèle de son siècle que ne le sont les Peintres dont
 le talent ne peut prétendre à un but plus haut que
 la copie des banalités, incapable qu'il est de représenter
 l'âme avec ses terribles problèmes.