Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/318

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aurais-je vu les cieux s'ouvrir comme ils s'ouvrirent

 pour le Florentin.
 Et les puissantes nations m'auraient couronné,
 moi qui maintenant n'ai ni une couronne, ni un
 nom. Et le lever d'une aurore m'aurait trouvé agenouillé
 sur le seuil du Temple de la gloire.
 J'aurais pris place dans ce cercle de marbre où le
 plus ancien est comme le plus jeune des bardes,
 où le miel tombe sans cesse de la flûte, où les cordes
 de la lyre sont constamment tendues.
 Keats a relevé ses boucles virginales au-dessus
 de la coupe de vin mêlée de pavots, et sa bouche
 immortelle a baisé mon front, et ma main a serré
 sa main dans l'étreinte du noble amour.
 Et au printemps, dans la saison où la colombe,
 de sa poitrine irisée, frôle les fleurs de pommier,
 deux jeunes amants, couchés dans le verger, auraient
 lu le récit de notre amour,
 auraient lu la légende de ma passion, comme
 l'amer secret de mon coeur, échangé des baisers
 comme nous, mais ne se seraient jamais séparés,
 comme nous l'ordonne désormais la destinée.
 Car la fleur pourpre de notre vie est dévorée par
 lever rongeur de la vérité, et nulle main n'est capable
 de réunir les pétales tombés et flétris de la
 rose de la jeunesse.
 Pourtant, je ne me repens pas de vous avoir