Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/59

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dès avant midi, ravir à toutes les fleurs leur trésor

 de miel, sans parvenir à rassasier son amour trop
 avide, et qu'en moins d'une heure, un jeune mousse
 débarqué, pour peu qu'il y mît de l'ardeur, pourrait
 y cueillir de quoi orner d'une guirlande la proue
 peinte de sa galère,
 et laisserait la petite prairie presque entièrement
 dépouillée, car elle n'a point de fleurs somptueuses,
 excepté les rares narcisses qui se dressent
 çà et là, parsemant d'étoiles d'argent le gazon jamais
 fauché, excepté quelques asphodèles qui
 brandissent de mignons cimeterres.
 C'est là que vint le déposer le flot, heureux
 d'avoir subi un si doux esclavage, et il porta l'adolescent
 là où le sol était vierge de tout contact avec
 la mer, sur la marge argentée de la grève, et
 comme un amant qui s'attarde, il vint plus d'une
 fois baiser ces membres pâles que naguère brûlait
 une ardeur intense,
 avant que l'eau de la mer eût éteint cet holocauste,
 cette flamme qui se nourrissait d'elle-même,
 cette volupté passionnée, avant que la mort chenue,
 de son souffle glacé et flétrissant, eût fané ces
 lis blancs et rouges, qui, alors que le jeune homme
 errait par la forêt, échangeaient leurs antiennes et
 répons si charmants.
 Et quand, à l'aube, les nymphes des bois, se tenant