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Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/83

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 Aussi, quand les hommes nous enseveliront sous
 l'if, ta bouche pareille à une tache pourpre, deviendra
 une rose, et tes doux yeux seront des campanules
 d'un bleu foncé, obscurcies de rosée, et quand le
 blanc narcisse jettera étourdiment ses baisers au
 vent, son compagnon de jeu, un vague reste de joie
 agitera notre poussière, et nous redeviendrons
 jeune fille et jeune homme épris.
 Et ainsi, sans avoir de la vie la douleur cruelle
 qui lui vient de la conscience, en quelque fleur
 charmante nous sentirons le soleil, nous chanterons
 encore par la gorge de la linotte, et comme
 deux serpents revêtus d'une somptueuse cotte de
 mailles, nous passerons sur nos tombes, ou bien,
 couple de tigres, nous ramperons par la jungle torride,
 jusqu'à l'endroit où dorment les énormes lions
 aux yeux jaunes
 et nous leur livrerons bataille. Comme mon
 coeur bondit à la pensée de cette grande vie après la
 mort, de ce passage par la bête, l'oiseau, la fleur,
 quand cette coupe contenant trop d'esprit se brise
 pour respirer plus à l'aise, et avec les feuilles pâlies
 d'automne, l'âme, qui fut la première à conquérir
 la terre, sera la dernière et noble proie de la
 terre.
 Oh! songe à cela! nous revêtirons toutes les
 formes capables de vie sensuelle; le Faune aux