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Page:Wilde - Poèmes, trad. Savine, 1907.djvu/91

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 de son terrier obscur de quel côté sont semés les
 cônes de sapin. Il écrase du pied une perce-neige,
 et court sur le tertre moussu. Les merles traversent
 de leur vol noire promenade du soir, et les soleils
 restent plus longtemps avec nous. Ah! qu'il fait
 bon voir le Printemps ceint de gazon, dans toute
 la joie que lui donne la vue de cette riante verdure,
 franchir les haies en dansant, jusqu'au jour où la
 rose précoce (ce remords charmant de l'épineuse
 églantine) fait éclater son fourreau d'émeraude, et
 étale le petit disque frissonnant de flamme dorée,
 si bien connu des abeilles, car à sa suite se montrent
 les pâles armoises, les oeillets pourprés et les asphodèles
 en pleine floraison.
 Alors le semeur arpente le champ du haut en
 bas, pendant que derrière lui le gamin rieur écarte
 de ses cris aigus la troupe noire et pillarde des
 corbeaux. Alors le châtaignier déploie toute sa
 gloire, et sur le gazon tombe le flot parfumé des
 fleurs à la nuance de crème; les madrigaux langoureux,
 murmurés à demi-voix,
 s'envolent furtivement du carillon mobile de la
 campanule, à chaque brise matinale. Puis ce sont
 le blanc jasmin, qui étoile son propre ciel, et la
 linaire qui tire sa langue de feu. L'églantine, vêtue
 de velours poudreux, s'empare du sol et prend